by Philippe Tunamsifu Shirambere
L’intégration des rebelles est un processus qui permet d’incorporer les rebelles au sein des forces gouvernementales comme la résultante d’un accord de paix entre les belligérants. Toutefois, parler de « ré-ré-réintégration » paraît être un concept étrange, mais si vous ne l’avez pas encore trouvé, prière m’en accorder la paternité.
En effet, la ré-ré-réintégration est un processus qui permet d’intégrer, de réintégrer, de ré-réintégrer et de ré-ré-réintégrer les combattants des groupes armés au sein des forces gouvernementales à la suite d’une succession des rebellions. Ce processus est la résultante des accords de paix qui n’ont pas été soit appliqués de bonne foi, soit appliqués en partie, soit appliqués mais que suite à un agenda caché, certains signataires ont décidé de reprendre les armes pour se rebeller contre le régime dont ils étaient membres.
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Photo: ENOUGH Project |
Depuis la vague de mouvements rebelles en 1996, la ré-ré-réintégration est une réalité effective en République Démocratique du Congo (RDC) où les rebelles, soit anciens militaires ou nouvelles recrues, ont été intégrés au sein des Forces Armées de la RDC (FADRC) quatre fois. De ce fait, il n’est pas étonnant de constater que certains combattants ont été intégrés pour la première fois immédiatement après la chute du régime du Président Mobutu et l’avènement au pouvoir du Président autoproclamé Laurent Désiré Kabila en Mai 1997 ; en 2003 à la suite de l’Accord Global et inclusif pour la transition en RDC ; en 2009 à la suite l’Acte d’Engagement et de l’Accord de Goma.
Au moment où nous présentons cette réflexion, des pourparlers ont lieu à Kampala/Ouganda entre la délégation du gouvernement de la RDC et celle du groupe rebelle du Mouvement du 23 Mars (M23), sous la médiation ougandaise. Il sied de préciser que les combattants du M23 sont en majorité constitués d’anciens rebelles qui ont été intégrés d’abord en 1997 ; certains avaient repris les armes en août 1998, et d’autres en 1999. A la suite de l’Accord Global et inclusif, les forces combattantes du RCD, du MLC, du RCD/ML, du RCD/N, et des Mai-Mai avaient été réintégrés au sein des FARDC en 2003. En 2004, les anciens combattants du RDC qui avaient été intégrés en 1997 et réintégrés en 2003 s’étaient rebellés en formant le CNDP. L’Accord de Goma du 23 Mars 2009 permit leur ré-réintégration au sein des FARDC. En avril 2012, une mutinerie avait été lancée à l’Est de la RDC par une bonne partie d’ex-CNDP suite à la tentative d’arrêter le Général Bosco Ntaganda qui faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international délivré par la CPI.
A ce stade, il est certain qu’un accord sera conclu entre le Gouvernement de la RDC et le M23. Logiquement, une disposition permettra aux rebelles du M23, dont certains avaient été ré-réintégrés au sein des FARDC, soient une fois de plus ré-ré-réintégrés. La question dont le régime actuel se préoccupe le moins est l’intégration des ex-FAZ qui avaient fui le pays après la chute de Mobutu en 1997.
De ces différentes intégrations au sein des FARDC, il est à noter qu’avant la signature des accords, les groupes rebelles procèdent à la nomination de leurs combattants aux grades supérieurs comme gratification de leur participation à la lutte que le Gouvernement congolais n’avait d’autre choix que de reconnaître. En plus, l’intégration des anciens combattants du RCD et du CNDP avaient été accompagnée des fonds d’installations qui leur permettaient d’avoir un logement décent et même avec des moyens de transport. Ce qui parait étrange, est que l’intégration est devenue un moyen facile de naturalisation aucune sans formalité.
Le SOS que nous lançons, fait un état des lieux des différentes intégrations et le risque qui pourrait surgir à la suite de la ré-ré-réintégration des combattants du M23 aux modèles des précédentes pratiques.
D’abord, les militaires congolais restés fidèles au sein des FARDC s’insurgent contre ceux qui argumentent qu’ils ont été incapables de faire échec aux groupes rebelles oubliant qu’ils obéissaient aux ordres de la hiérarchie militaire en RDC les instruisant de faire des replis stratégiques alors qu’ils souhaitaient neutraliser les groupes rebelles.
Ensuite, les différentes intégrations créaient des frustrations que les militaires congolais ne savaient pas exprimer. En guise d’exemple, ces intégrations ont connu certaines inégalités en ce sens que non seulement la rébellion permet aux rebelles d’accéder aux grades supérieurs sans aucune formalité mais aussi à un statut social de loin différent à celui des militaires congolais resté fidèles au sein des FARDC.
Les veuves des militaires des FARDC tombés sur les champs de bataille, les militaires blessés, les infirmes ne reçoivent pas un traitement approprié proportionnel à leur sacrifice suprême pour la défense de la patrie. En conséquence, les veuves et orphelins des militaires, les militaires blessés et les infirmes sont devenus de mendiants alors que les auteurs des actes de leurs souffrances ont été élevés aux grades supérieurs et occupent des postes importants dans les institutions publiques et dans les services de sécurité. Ceci devrait interpeller le Gouvernement congolais qui a initié un programme de recrutement au sein des FARDC qui n’a pas répondu aux attentes souhaitées.
Enfin, aux regards de ces frustrations, les militaires congolais restés fidèles au sein des FARDC qui ont vu leurs compagnons d’armes mourir sur les champs de bataille risqueront de dire NON, car réintégration des rebelles sur réintégration ne vaut. En toute conséquence, si des mesures appropriées ne sont pas prises, une mutinerie générale pourrait se déclencher de nulle part en signe de mécontentement dont les effets ne seront pas redressés.
Georges Orwell disait que « Celui qui maîtrise le passé maîtrise le futur. Celui qui maîtrise le présent maîtrise le passé ».